√La Pravda Américaine : Qui a écrit les pièces de Shakespeare ? ~ Songkrah
Par Ron Unz − Le 17 mars 2025 − Source Unz Review
Quand j’étais en classe de 3ème, le programme scolaire a fait que j’ai étudié les ouvrages de William Shakespeare pendant un semestre, ce qui semblait juste au vu de la place qu’occupe cet auteur dans la langue et la culture anglaises.
Durant cette période, j’avais lu une bonne dizaine de ses pièces, et on m’avait demandé d’apprendre par cœur l’une des plus célèbres tirades de Macbeth. Et il se trouve que jusqu’à ce jour, des décennies plus tard, je peux toujours la réciter de mémoire, chose qui m’a grandement surpris.
Selon le consensus général, Shakespeare est classé comme la personnalité centrale et même constituante de la langue anglaise, vouée à dominer le monde, et occupe une position assez comparable à celle de Cervantès pour l’espagnol ou à celles de Goethe ou Schiller pour l’allemand. De nombreuses phrases répandues dans l’anglais contemporain remontent à ses œuvres, et en jetant un coup d’œil à l’article Wikipédia de 12 000 mots consacré à Shakespeare, j’ai constaté que dès l’introduction, il est décrit comme l’auteur le plus éminent de toute l’histoire, une affirmation qui m’était toujours apparue comme des plus raisonnables.
Je n’ai jamais plus étudié ses œuvres après être sorti de l’enseignement secondaire, mais au fil des années, j’ai vu une quantité de films adaptant ses célèbres drames, ainsi que certaines adaptations produites par la Royal Shakespeare Company sur PBS, que j’ai le plus souvent trouvées excellentes. Mais bien que mes connaissances au sujet de Shakespeare soient peu étendues, je n’avais jamais remis en question sa grandeur littéraire.
Au cours de toutes ces années, je n’ai eu qu’une vague conscience des détails de la vie de Shakespeare, dont je ne savais vraiment que peu de choses. Je savais qu’il était né et mort dans la ville de Stratford-upon-Avon, en Angleterre, que j’avais visitée au cours de mon année d’études à l’Université de Cambridge.
Je savais également vaguement que Shakespeare avait écrit des sonnets en grand nombre, et un an ou deux après que j’ai visité son lieu de naissance, un long article avait paru dans le New York Times, relatant la découverte d’un nouveau sonnet. La stature de Shakespeare était d’une telle importance que la découverte d’un seul nouveau poème écrit par sa plume provoquait la parution d’un article de 5000 mots dans notre journal de référence national.
Je ne sais plus quand j’ai pour la première fois appris qu’il existait une sorte de différend au sujet de l’histoire personnelle de Shakespeare, et de paternité de la vaste gamme de ses œuvres, mais il me semble que cela a dû arriver des années plus tard, durant les années 1990. Un auteur de droite écrivant pour le National Review s’était embourbé en eaux troubles avec des remarques antisémites et racistes, et s’était fait licencier du magazine. Quelques années plus tard, mes journaux indiquaient que le même personnage venait de publier un livre affirmant que les pièces de Shakespeare avaient en réalité été écrites en secret par quelqu’un d’autre, un aristocrate britannique dont le nom ne m’évoquait absolument rien.
Cette parution ne m’avait guère surpris. De la part d’individus entretenant des positions politiques marginales et cultivant des idées bizarres et particulières sur un sujet, il fallait s’attendre à voir exprimer des excentricités sur d’autres sujets également. Peut-être que son licenciement de cette publication politique lui avait fait franchir une limite, l’amenant à promouvoir une théorie littéraire aussi bizarre et conspirationniste concernant une personnalité aussi éminente. La poignée de critiques dans les journaux que je lisais, ainsi que les magazines conservateurs, traitaient son ouvrage stupide avec le dédain absolu qu’il méritait de toute évidence.
Il me semble qu’une dizaine d’années plus tard, j’ai vu quelque chose dans mes journaux au sujet de la même controverse au sujet de Shakespeare, remonté au travers d’autres recherches, mais le Times n’avait pas semblé la prendre au sérieux, et j’en avais fait autant.
Quelques années plus tard, en 2011, Hollywood a produit un film, Anonymous, exposant la même thèse au sujet de la véritable identité de Shakespeare, mais je ne l’avais pas vu et je n’y avais guère porté attention. La notion voulant que la plus grande personnalité de la littérature anglaise ait secrètement pu être quelqu’un d’autre m’avait frappé comme un scénario typiquement hollywoodien, relativement improbable, mais pas tout à fait autant que le scénario des identités cachées que l’on trouve dans les films populaires comme Batman ou Spiderman.
À ce moment-là, j’étais devenu très soupçonneux au sujet de nombreux éléments de l’histoire politique étasunienne que l’on m’avait enseignés, et quelques années après la sortie de ce film, j’ai publié « Notre Pravda Américaine« , qui expose quelques-unes de mes désillusions considérables au sujet des informations produites dans les médias et les manuels scolaires. J’ai par la suite poursuivi une longue suite sous le même nom.
Mais à ce moment-là, et durant la dizaine d’années qui ont suivi, je n’ai pas du tout relié ma méfiance croissante vis-à-vis d’une grande partie de ce qu’on m’avait appris dans mes cours d’histoire avec mes cours d’anglais de la même époque. Aussi, l’idée que Shakespeare pût ne pas être l’auteur des pièces de Shakespeare me semblait totalement grotesque, au point que j’oubliai à moitié que quiconque ait jamais pu affirmer sérieusement une telle chose.
Mais l’an dernier, un jeune activiste et podcaster de droite m’a envoyé un mot sur divers sujets, et a également suggéré que je puisse étendre ma suite d’enquêtes « conspirationnistes » pour m’intéresser également aux pièces de Shakespeare. Il indiquait que feu Joseph Sobran, un ami de sa famille, lui avait expliqué comment ce journaliste conservateur jadis très influent avait été purgé hors du National Review au début des années 1990, et avait ensuite publié un livre affirmant que les célèbres pièces avaient en réalité été écrites par le Comte d’Oxford, et que divers autres universitaires avaient adopté des positions similaires. Il s’était agi d’une controverse des années 1990 que j’avais en grande partie oubliée.
Je lui ai répondu que j’avais vaguement entendu parler de cette théorie au fil des années, et que j’avais sans doute lu une ou deux critiques négatives de ce livre de Sobran au moment de sa parution, mais sans jamais prendre l’idée au sérieux. De fait, durant mes diverses enquêtes de la dernière décennie, j’ai conclu qu’environ 90 à 95% de toutes les « théories du complot » que j’avais examinées s’étaient avérées fausses ou à tout le moins dénuées de substance, et je m’attendais à ce que cette théorie au sujet de Shakespeare pût relever de la même catégorie. Mais presque tous mes travaux récents s’étaient centrés sur la politique et l’histoire, et je pensais qu’une petite digression dans le domaine littéraire pourrait constituer une pause bienvenue. J’ai donc réalisé quelques clics sur Amazon et j’ai commandé le livre de Sobran, ainsi qu’un autre ouvrage plus récent qu’il m’avait conseillé sur le même sujet, et j’étais passé à autre chose.
Comme je suis extérieur à la communauté littéraire, il m’apparaissait extrêmement peu plausible que durant des siècles, l’identité véritable de la plus grande personnalité de la langue anglaise ait pu rester dissimulée des centaines de millions de personnes parlant cette langue et des multitudes de personnes ayant regardé ses pièces de théâtre, ou ayant étudié ses œuvres à l’Université. Quelle était la probabilité pour que durant toute cette période, jusqu’il y a quelques dizaines d’années, aucun de nos plus grands auteurs, critiques et érudits, se dénombrant par dizaines, n’ait jamais soupçonné que les pièces de Shakespeare aient pu en réalité être écrites par quelqu’un d’autre ?
Mais l’une des raisons me poussant à envisager de mener cette enquête était que depuis les années 1990, mon opinion au sujet de Sobran s’était considérablement améliorée. Au moment où il avait publié son ouvrage, je ne le connaissais qu’à peine, mais après que ses âpres ennemis néo-conservateurs aient enfoncé les États-Unis dans la désastreuse guerre en Irak, à l’issue des attentats du 11 septembre 2001, sa personne, ainsi que tous ceux qui nous avaient averti de l’influence politique des néo-conservateurs, pour ensuite en subir les foudres, avaient fortement monté dans mon estime.
Qui plus est, mon projet d’archivage de contenus du début des années 2000 avait intégré toutes les parutions de National Review, et j’ai découvert le rôle considérable joué par Sobran au sein de cette publication amirale conservatrice, coupée net lorsque les néo-conservateurs avaient contraint William F. Buckley Jr., l’éditeur, à le mettre à la porte.
En fort contraste avec ma propre histoire, Sobran avait au départ démarré sa carrière dans le domaine de la littérature anglaise, avant de passer au journalisme conservateur dans les années 1970, et il y a un ou deux ans, j’avais brièvement décrit son destin funeste :
Le nom de Joseph Sobran ne résonne sans doute guère aux oreilles des conservateurs les plus jeunes, mais durant les décennies 1970 et 1980, il n’était sans doute devancé que par le fondateur William F. Buckley Jr. en termes d’influence dans les cercles conservateurs dominants, comme le suggèrent les presque 400 articles qu’il a publiés pour NR durant cette période. À la fin des années 1980, il s’était préoccupé de plus en plus de ce que l’influence néo-conservatrice pût embringuer les États-Unis dans des guerres à l’étranger, et ses déclarations marquées à cet égard furent qualifiées d’« antisémites » par ses opposants néo-conservateurs, qui finirent par obtenir de Buckley qu’il le licenciât. Ce dernier a expliqué cette séquence dans une section importante de son essai de 1992 À la Recherche de l’Antisémitisme.
Chose vraiment étrange, Sobran ne semble avoir évoqué les Juifs que très rarement, que ce fût ou non de manière favorable, sur des décennies d’écriture, mais même ces rares mentions peu flatteuses suffirent apparemment à leur faire lancer leurs attaques destructrices contre sa carrière, et il a fini par mourir en 2010, à 64 ans, dans la pauvreté. Sobran avait toujours été connu pour sa verve littéraire et sa situation idéologique malheureuse a fini par faire de lui un emblème de l’aphorisme : « Par le passé, on qualifiait d’antisémite quiconque détestait les Juifs. Désormais, on qualifie d’antisémite quiconque est détesté par les Juifs. »
Sobran était éditorialiste dans des journaux nationaux, et invité régulièrement à commenter les événements sur le réseau radiophonique CBS, si bien que sa chute personnelle fut considérable. Comme il écrivit son livre sur Shakespeare quelques années à peine après son éjection du National Review, il avait conservé une certaine partie de son aura passée, ce qui contribue à expliquer pourquoi son ouvrage fit l’objet de critiques dans plusieurs publications, certes défavorables, mais ne fut pas purement et simplement ignoré.
Lorsque les livres sur Shakespeare que j’avais commandés ont fini par arriver, je les ai posés sur une étagère et ce n’est que bien plus tard que j’ai fini par les lire. En les lisant, j’ai été vraiment très surpris par ce que je découvrais.
Paru en 1997 sous la plume de Sobran, Alias Shakespeare est un ouvrage relativement court, dont le texte ne s’étale que sur un peu plus de 200 pages, et bien qu’un extrême scepticisme caractérisât mon approche initiale de ce livre, les quelque 15 pages de l’introduction en ont rapidement dissipé une grande partie.
L’auteur commence en soulignant que presque tous les universitaires dominants étudiant Shakespeare ont toujours rejeté les doutes concernant la paternité de ses œuvres, en les qualifiant de ridicules, et explique avoir lui-même au départ endossé la même position, y compris durant ses années d’études, lorsqu’il avait centré ses travaux sur cet auteur.
En outre, après avoir fini par cultiver des soupçons sur cette opinion conventionnelle, et commencé à enquêter sur le sujet, il « a pénétré un monde bizarre peuplé de personnes de toutes les couleurs, totalement différent du monde académique. » Leurs diverses théories sur la paternité de ces œuvres comprenaient Francis Bacon, une large gamme de divers Nobles britanniques, et même la reine Elizabeth 1, et ces nombreux activistes se disputaient souvent âprement les uns avec les autres. Mais Sobran affirme qu’il est important de garder à l’esprit que « de très nombreuses découvertes importantes ont été réalisées par des chercheurs douteux, des intellectuels asociaux, et de fieffés excentriques. » Dans le même temps, les chercheurs installés avaient presque totalement ignoré le sujet de la paternité des œuvres de Shakespeare, s’arrêtant à considérer que le sujet n’existait pas.
L’attitude de Sobran apparaît comme des plus raisonnables sur ce sujet littéraire controversé, et il maintient le même ton de neutralité et de hauteur dans l’ensemble de l’ouvrage, soulignant souvent son incertitude sur diverses questions qu’il expose.
Bien que je supposasse par le passé que seuls des excentriques pussent jamais remettre en cause la paternité de Shakespeare sur ses œuvres, j’ai eu l’immense surprise de découvrir qu’au cours des cent ou deux cents dernières années, la liste de ces « hérétiques » comprenant un grand nombre des personnalités et intellectuels parmi les plus illustres de la langue anglaise, comme Walt Whitman, Henry James, Mark Twain, John Galsworthy, Sigmund Freud, Vladimir Nabokov et David McCullough. Certains de nos acteurs et dramaturges les plus illustres, surtout ceux qui se sont illustrés par leurs rôles shakespeariens, figuraient également parmi les rangs des sceptiques : Orson Welles, Sir John Gielgud, Michael York, Kenneth Branagh et Charlie Chaplin. Quelques années après la parution du livre de Sobran, Sir Derek Jacobi, un acteur shakespearien renommé, a produit des Avant-Propos pour d’autres livres endossant la même position. Les juges de la Cour Suprême John Paul Stevens, Sandra Day O’Connor et Antonin Scalia figuraient également parmi les sceptiques au sujet de Shakespeare.
De toute évidence, l’ensemble de ces personnalités littéraires, dramatiques et intellectuelles pouvaient fort bien se tromper, mais en profane ignorant à peine au courant qu’un tel sujet ait jamais existé, j’ai lu le reste de l’ouvrage de Soban avec un esprit nettement plus ouvert qu’en l’ouvrant pour la première fois.
L’élément révélateur que soulève Sobran dans son premier chapitre est qu’en dehors du vaste corpus des travaux littéraires habituellement attribués à Shakespeare, les connaissances solides dont nous disposons au sujet de la vie et des activités de Shakespeare sont tellement maigres qu’on peut les considérer comme quasiment inexistantes, qui consistent principalement en une petite poignée de brefs registres de transactions commerciales et documents indiquant qu’il témoigna une fois devant un tribunal dans le cadre d’une affaire mineure. Ce n’est pas du tout ce que l’on pourrait attendre d’une personnalité littéraire aussi centrale.
Bien que ses déplacements et lieux de résidences soient restés en grande partie inconnus, nous savons qu’il a fini ses jours dans sa ville natale de Stratford, qu’il y est resté avant sa mort pendant une durée d’au moins cinq ans, et peut-être plus de dix. De cette période, on dispose de ses dernières volontés et de son testament, qui constituent le seul artefact écrit dont nous disposions pour l’ensemble de son existence, soit 1300 mots à peine. Ce document est très troublant : il n’apporte aucune indication du fait que l’homme possédât le moindre livre ou manuscrit littéraire. On ne trouve pas le moindre signe d’intérêt intellectuel ou de parrains littéraires, et le style en est tellement laborieux, voire semi-analphabète, en comparaison avec d’autres testaments de la même époque, qu’il semble difficile de penser qu’il ait pu être écrit ou dicté par l’un des plus grands stylistes de la langue anglaise.
Comme l’indique Sobran, ce testament comprend trois des six signatures qui nous sont restées de Shakespeare, et elles sont toutes irrégulières, pas du tout ce que l’on attendrait de la part d’une personne rompue à l’usage de la plume. De fait, un expert en documents cité par un éminent universitaire traitant du domaine de Shakespeare a affirmé que toutes les signatures de Shakespeare avaient probablement été apposées par des mains différentes les unes des autres. Comme nous ne disposons d’aucun élément solide affirmant que Shakespeare ait même suivi un enseignement secondaire, cela suggère la possibilité stupéfiante que Shakespeare pût être incapable d’écrire son propre nom. De fait, les deux parents de Shakespeare, son épouse Anne Athaway ainsi que sa fille Judith étaient apparemment illettrés, puisqu’ils signaient leur nom d’une croix.
Contrairement à nombre de ses contemporains, que l’on parle ici de personnalités littéraires ou d’autres personnes, pas une seule lettre écrite par Shakespeare n’a jamais été découverte, en dépit de recherches colossales, pas plus que le moindre livre dont il fût le propriétaire.
Bien que Shakespeare figurât certainement parmi les lumières littéraires les plus éclatantes du monde britannique, il n’a jamais produit la moindre déclaration ou oraison publique à la mort de la reine Elizabeth 1ère, en 1603, pas plus qu’à l’accession au trône de son successeur, James 1er, et lorsqu’il est lui-même mort en 1616, nul à Londres ne semble avoir même remarqué son passage de vie à trépas.
Comme le souligne Sobran, en dépit du fait que Shakespeare vécut et travailla durant 51 ans en Grande-Bretagne, dont une grande partie dans la métropole de Londres, il semble avoir quasiment vécu comme un fantôme, apparemment invisible pour presque tous ses contemporains. De nombreuses épaisses biographies de Shakespeare ont été publiées par divers chercheurs, mais hormis les déductions qu’ils tirent de l’énorme corpus littéraire qu’on lui attribue, leur contenu est presque entièrement fondé sur des hypothèses au vu de l’absence quasi totale du moindre fait avéré.
Un problème central soulevé par tous ceux qui ont douté que les pièces aient véritablement pu être écrites par l’acteur issu de Stratford réside en ce que les intrigues et descriptions s’appuyaient sur une connaissance profonde de l’histoire classique et des pays étrangers, en particulier de l’Italie, alors que leur auteur supposé ne disposait certainement d’aucune formation universitaire.
Un fait très surprenant, que je n’avais jamais connu jusqu’alors, réside en ce que toutes les pièces publiées, ainsi que tous les autres travaux littéraires, furent parfois publiés à titre anonyme, parfois sous le nom « Shake-Speare », avec le tiret, un pseudonyme souvent utilisé à l’époque, ou parfois sous le nom « Shakespeare ». Dans le même temps, l’homme de Stratford et l’ensemble de sa famille, y compris ses parents et ses enfants, épelait le plus souvent son nom de famille « Shakspere ».
À l’époque de la reine Elizabeth, l’orthographe était souvent fluctuante, mais il semble vraiment étrange que l’homme dont nous pensons aujourd’hui qu’il fut le célèbre auteur ne fît jamais usage du nom sous lequel ses pièces furent publiées, que nous utilisons de nos jours pour le désigner. Cette distinction marquée a permis facilement aux livres et articles écrits par ces dissidents de Shakespeare de faire facilement la différence dans le texte entre le « Shakespeare » auteur des œuvres et le « Shakspere » qui n’était qu’un obscur habitant de Stratford.
Permettons-nous une analogie grossière mais amusante. Samuel Clemens a figuré parmi les plus grands écrivains des États-Unis, cependant que tous ses travaux ont été publiés sous le nom de plume Mark Twain. Mais imaginons que ce fait soit resté peu connu à l’époque, et qu’une génération ou deux plus tard, après que toutes les personnes au courant de la véritable identité de Twain ont disparu, les experts littéraires aient déniché un obscur commerçant du Sud portant le nom de « Mark Tween », et se soient convaincus qu’il fut le véritable auteur de ces œuvres.
De fait, Sobran et ses alliés affirment qu’au cours des derniers siècles, l’establishment littéraire du monde anglophone s’est vautré dans l’un des cas les plus flagrants de fausse identité de toute l’histoire humaine, et que certains des membres titulaires de cette institution sont peut-être trop embarrassés pour accepter de même envisager cette possibilité.
La première moitié du livre de Sobran soulève tous ces doutes considérables face au narratif conventionnel selon lequel Shakespeare fut le véritable auteur des célèbres pièces, et la seconde moitié soutient la thèse alternative la plus largement soutenue, qui attribue la paternité de ces œuvres à Edouard de Vere, 17ème comte d’Oxford, et je pense que certains des arguments qu’il avance apparaissent comme tout à fait valables.
Contrairement à Shakespeare, le comte d’Oxford reçut une très bonne formation, et présentait des intérêts marqués pour la littérature et le spectacle : il était doté exactement du type de connaissance sur les sujets aristocratiques, les pays étrangers et l’histoire classique qui apparaissent comme nécessaires à produire ces ouvrages dramatiques. Une grande partie de ses correspondances personnelles et de ses premiers écrits ont survécu, en contraste marqué avec l’absence quasiment totale de tout élément produit par Shakespeare.
Un point central désigné par Sobran et d’autres est que durant cette période, la production de pièces de théâtre devait être considéré comme une poursuite dégradante et malséante pour un aristocrate important comme le comte d’Oxford, et il n’est guère surprenant que ces activités aient pu être dissimulées, que les pièces de théâtre aient été produites à titre anonyme ou sous un pseudonyme tel que « Shake-Speare » ou « Shakespeare. »
Bien que nous ne sachions quasiment rien de la vie et des activités de Shakespeare, la trame de vie du compte d’Oxford est copieusement documentée, et une grande partie semble correspondre étroitement avec le contenu des pièces de théâtre. L’exemple le plus évident est que le comte d’Oxford, dans sa jeunesse, passa des années à voyager en Italie, s’est fortement entiché de ce pays, et a dépensé une partie déraisonnable de son héritage pour acheter des trésors provenant de ce pays, et il se trouve que plus ou moins la moitié des pièces de théâtre de Shakespeare ont pour cadre ce pays. En contraste, le natif de Stratford ne semble avoir jamais mis un pied hors de l’Angleterre et ne présente aucun lien connu avec l’Italie.
Mais Sobran pense que l’indice le plus fort indiquant la véritable identité du dramaturge provient d’un examen minutieux de ses 154 sonnets, dont la célébrité n’égale pas celle de ses pièces de théâtre, mais qui n’en sont pas moins considérés comme d’importantes œuvres littéraires, qui ont été analysées sous tous les angles par des générations de chercheurs universitaires. Nombre de ces poèmes sont adressés à un jeune, un « garçon adorable », et la plupart des chercheurs qui le considèrent comme une personne réelle se sont accordés à penser qu’il s’agissait sans doute du jeune comte de Southampton, dont les traits personnels semblent correspondre étroitement au personnage. Mais si tel est le cas, Sobran indique qu’il aurait été extrêmement déplacé de la part d’un simple roturier de traiter un noble de manière aussi familière, alors que ce ton aurait été tout à fait justifié si les poèmes avaient été écrits par une personne de rang égal ou supérieur. Sobran et de nombreux autres ont également distingué des indications puissantes d’une relation homosexuelle entre les deux hommes, ce qui est tout à fait cohérent avec les éléments historiques dont nous disposons quant aux penchants du comte d’Oxford.
À mes yeux, la thèse selon laquelle le comte d’Oxford serait l’auteur de ces pièces est nettement moins étayée que la thèse s’opposant à la paternité de Shakespeare, mais elle n’en est pas moins raisonnable et plausible. Et si l’analyse produite par Sobran des Sonnets est exacte, l’auteur fut sans doute un aristocrate titré, dont Oxford constitue un spécimen évident.
Autre livre que j’ai lu, « Shakespeare » sous un autre nom, une nouvelle biographie majeure du comte d’Oxford publiée en 2005 par Mark Anderson, un chercheur indépendant, qui a centré ses recherches sur l’hypothèse voulant que son sujet fût l’auteur véritable de ces travaux littéraires. Anderson, qui a consacré plus d’une décennie à enquêter sur la vie du comte d’Oxford, a réussi isoler une très longue liste d’incidents qui semblent s’aligner avec les éléments des pièces de théâtre, et il les discute sur ses 600 pages, dont plus de 150 sont consacrées à ses notes de sources. Certains des exemples les plus évidents qu’il évoque avaient déjà été mentionnés par Sobran et par d’autres, mais Anderson en augmente considérablement le nombre.
Anderson reconnaît pleinement que la thèse du comte d’Oxford est absolument circonstancielle, mais il souligne particulièrement un nouvel élément qui était resté dissimulé, à savoir l’exemplaire de la Bible de Genève qui appartint au comte d’Oxford, qui fait l’objet de très importantes annotations. Une décennie de recherches promptement menées par un étudiant en doctorat a analysé les plus de 1000 passages faisant l’objet de notes, et découvert qu’environ un quart de ces passages apparaissent également dans les œuvres de Shakespeare, et ce recouvrement est très supérieur à un simple effet du hasard, ou bien de ce que l’on a trouvé dans les ouvrages d’autres personnalités littéraires de la même période. L’auteur consacre une annexe d’une bonne dizaine de page à ce sujet.
Les critiques du livre de Sobran, publiées huit années plus tôt, étaient restées confinées dans les médias conservateurs, et rejetaient de manière écrasante l’ouvrage. Mais le livre d’Anderson était nettement plus volumineux, et avait fait l’objet de recherches nettement plus poussées, et comprenait un Avant-Propos de soutien écrit par Sir Derek Jacobi, un acteur shakespearien de premier plan. C’est peut-être la combinaison de tous ces facteurs qui aura permis un traitement dans l’ensemble favorable de la part du New York Times. Avec ce baptême de respectabilité, l’hypothèse de la paternité du comte d’Oxford sur les pièces de Shakespeare ne pouvait plus guère être tournée au ridicule ou considérée comme une « folle théorie du complot ».
En procédant à mes vérifications, j’ai constaté que le principal article Wikipédia discutant de la véritable paternité des ouvrages de Shakespeare comportait presque 19 000 mots, soit une fois et demi la taille de l’article consacré à Shakespeare lui-même. Bien que cette source d’informations de l’establishment le plus extrême ait tendance à pencher du côté du narratif orthodoxe, elle est nettement plus respectueuse envers la possibilité alternative que je ne l’ai constaté sur d’autres sujets controversés ou dissidents. L’article Wikipédia séparé consacré à la théorie de la paternité du comte d’Oxford sur lesdites œuvres s’étale sur 15 000 mots et se montre relativement sceptique, mais reste tout à fait respectueuse.
À ce stade, les deux livres que j’ai lu, écrits respectivement par Sobran et Anderson, me semble tout à fait convaincants, surtout sur le sujet de l’identification erronée de la plus grande personnalité littéraire de toute l’histoire de la langue anglaise, et de son assimilation à M. Shakspere, de Stratford-upon-Avon. Mais je trouve qu’il est difficile d’établir un verdict définitif sans assister à un débat complet entre les camps rivaux, et je me suis posé la question : un tel échange avait-il jamais été organisé par les médias ? À ma grande humiliation, j’ai découvert que ce débat s’était déjà déroulé en deux occasions distinctes, durant les années 1990.
Dans son édition du mois d’octobre 1991, le prestigieux magazine Atlantic Monthly avait organisé un long débat entre deux personnalités puissantes en provenance des camps rivaux, le journaliste Tom Bethell et le professeur Irving Matus, et avait fait la promotion de ce débat jusqu’en première page. J’étais déjà abonné à ce magazine à l’époque, et j’ai donc du voir cette couverture. Mais il semble que j’étais préoccupé par d’autres sujets, et je m’étais contenté de repousser la question de l’identité de Shakespeare, la considérant comme une « théorie du complot » absurde. Je n’ai sans doute accordé aucune attention à ce sujet, et ai oublié jusqu’à son existence.
De même, en 1999, Harper’s Magazine avait procédé de la même façon, et mobilisé dix experts différents divisés en nombres égaux des deux obédiences pour débattre de la paternité des ouvrages de Shakespeare, et en avait également fait sa couverture.
Ainsi, il y a une vingtaine d’années, deux de nos magazines nationaux parmi les plus prestigieux et les plus influents avaient conduit, chacun de leur côté, des débats sur le sujet, des échanges qui s’étaient étalé, mis bout à bout, sur des dizaines de milliers de mots. Mais j’étais resté totalement sans rien connaître de cette controverse, le cerveau tellement bien lavé sur le sujet que jusqu’il y a quelques mois, j’aurais considéré toute remise en question de l’identité de Shakespeare comme relevant quasiment de la même catégorie que l’existence du Bigfoot.
- À la recherche de Shakespeare
Tom Bethell, Irvin Matus et Edward Dolnick • The Atlantic Monthly • octobre 1991 • 27 Pages - Le fantôme de Shakespeare
Tom Bethel et. al. • Harper’s Magazine • avril 1999 • 28 Pages
Mais mieux vaut tard que jamais, et après avoir lu posément les deux longs échanges, j’ai conclu que ceux qui remettent en question la paternité de Shakespeare sur ces œuvres l’avaient emporté haut la main, et avaient réussi à retourner le récit qu’on m’avait enseigné durant mes études en classe de 3ème puis à l’université.
Mais d’autres personnes en ont tiré des sentiments différents. Un sondage réalisé en 2007 par le Times sur des centaines de professeurs d’université traitant de Shakespeare a révélé que seuls 6 % d’entre eux estimaient qu’il existait de bonnes raisons de remettre en question l’idée selon laquelle les pièces et poèmes ont été écrits par le natif de Stratford, et 82 %, un nombre écrasant d’entre eux, restaient fermement convaincus que le narratif traditionnel était exact.
Des tentatives ont été menées de manière continue pour amener ces esprits académiques à changer d’avis.
Un livre nettement plus récent qui est parvenu à mon attention est une collection d’essais rigoureux écrits par une bonne dizaine d’experts, soutenu par une organisation appelée The Shakespeare Authorship Coalition. Publiée par John M. Shahan et par Alexander Waugh, Shakespeare sans le moindre doute ? a été publié en 2013, a fait l’objet d’une édition revue et corrigée en 2016, et fait l’objet de nombreux soutiens de la part de chercheurs universitaires de premier plan, dont certains déplorent la fermeture d’esprit manifestée par l’establishment littéraire anglophone à reconnaître avoir passé les quelques derniers siècles dans un état d’erreur avérée.
La charte de l’organisation soutenant cette initiative est très prudent, n’endosse aucune position quant à la véritable identité du dramaturge, et Shahan, son fondateur et président, déclare en première page :
Cet ouvrage produit des éléments et arguments qui contredisent les affirmations selon lesquelles il n’existe « aucun doute » que M. Shakspere, de Stratford, écrivit les ouvrages de William Shakespeare. Ce livre ne porte pas sur nos préférences au sujet de l’identité de l’auteur véritable, ou sur les motivations qui l’ont poussé à rester dissimulé… Le lecteur à la recherche de candidats alternatifs ou de scénarios sensationnels devrait se tourner vers d’autres ouvrages que celui-ci. Notre objectif est une présentation universitaire de la thèse du « doute raisonnable » au sujet de Shakspere, afin de la rendre compréhensible au public et aux étudiants à qui ce livre est dédié. La seule alternative que nous proposons est que le nom de « William Shakespeare » fut le nom de plume d’une autre personne, qui décida de dissimuler son identité.
Au vu de l’amalgame fréquent entre les deux arguments opposés à la paternité traditionnelle et ceux soutenant tel ou tel candidat de remplacement, cela constitue une approche admirable. J’ai trouvé de nombreux essais, organisés en chapitres, très utiles et convaincants, quoique parfois un peu secs et ennuyeux, et chacun d’entre eux se consacre étroitement à un aspect particulier de la thèse.
Par exemple, le chapitre 1 consacre plus d’une dizaine de pages à une critique très directe du nom véritable du natif de Stratford, et démontre que dans presque tous les cas, ce nom était écrit « Shakspere » par tous les membres de sa famille, et ce sur plusieurs générations, et les quelques exceptions peu nombreuses relevaient généralement de variantes produites par des clercs qui se trompaient en l’écrivant phonétiquement. Dans le même temps, ce nom n’avait jamais été associé avec la moindre pièce de théâtre ni le moindre poème produit par cette grande personnalité littéraire.
Mais apparemment, le défi croissant, posé au début du XXème siècle par Mark Twain et d’autres à l’orthodoxie shakespearienne a amené la communauté académique à « tuer » le vrai nom, Shakspere, à peu près au moment du trois centième anniversaire de sa mort. En conséquence, presque toutes les nombreuses apparitions de « Shakspere » dans les publications d’articles relatives au natif de Stratford furent dès lors remplacées par « Shakespeare », ce qui dissimula partiellement le problème d’identité aux générations à venir.
Le second chapitre se consacre sur les six signatures connues de M. Shakspere, et montre que celles-ci sont indéchiffrables et apparemment analphabètes en comparaison aux nombreuses signatures de nombreuses personnalités littéraires de premier plan de la même époque. Ce contraste était très apparent dans les nombreuses illustrations qui sont produites.
Le chapitre suivant compare les traces écrites laissées derrière lui par Shakespeare avec celles de plus de vingt personnalités littéraires de la même époque. Dix différentes catégories d’éléments sont examinées, comme la formation, la correspondance, les manuscrits, la propriété de livres, et les notices de décès. Pour chacun de ces éléments, de nombreux auteurs, voire la plupart, laissent apparaître des éléments, mais dans le cas de Shakespeare — le sujet des efforts de recherches les plus poussés — tous les registres restent absolument vides.
Un autre chapitre se consacre à des exemples de « chien qui n’a pas aboyé ». Avec la publication de ces pièces et de ses poèmes, Shakespeare était devenu une personnalité littéraire extrêmement éminente dans toute la Grande-Bretagne, mais étonnamment, personne ne semble jamais l’avoir relié à M. Shakspere, ou à un autre membre de la famille Shakspere vivant tranquillement à Stratford. L’essai se consacre à dix personnes considérées comme des « témoins oculaires » dont les écrits ont survécu, et qui auraient dû faire mention du grand dramaturge ayant vécu et étant mort à Stratford, mais qui n’en ont rien fait. Par exemple, la reine Henriette-Marie de France, épouse de Charles 1er, appréciait énormément les pièces de Shakespeare, et au cours d’une visite à Stratford, il semble qu’elle ait passé quelques nuits dans l’ancienne maison de Shakspere, devenue la propriété de sa fille et de la famille de celle-ci ; mais bien que des centaines de lettres de la reine aient été rassemblées et reproduites, elle ne fait nulle part mention de cette visite comme étant spéciale.
Le sens des affaires avisé de Shakspere fit de lui l’un des hommes les plus fortunés de Stratford au moment de sa mort, mais non seulement son long testament est-il totalement exempt de toute ornementation littéraire, il ne fait non plus aucune mention de livre, ni de projet de formation de ses enfants ou petits-enfants. Il ne semble avoir eu en sa possession aucun élément de mobilier permettant de conserver ou de contenir des livres, ni de cartes ou d’instruments de musique. Tout ceci entre en contraste flagrant avec les nombreux testaments qui nous sont parvenus d’autres auteurs ou dramaturges.
Un bref chapitre, occupant deux pages, indique qu’en dépit du fait que la mort de personnalités littéraires de moindre envergure fût marquée par un déferlement d’éloges et de d’hommages, certaines de ces personnalités ayant eu l’illustre honneur d’être enterrées à l’Abbaye de Westminster, personne ne semble avoir remarqué le passage de vie à trépas de Shakespeare en 1616. Par exemple, Ben Johnson était à l’époque considéré comme occupant une stature proche, et au moment de son décès, en 1637, au moins trente-trois éloges séparés furent publiés, alors qu’aucun ne parut pour Shakespeare.
Ainsi, l’équipe de chercheurs ayant contribué chacun son chapitre à ce volume important couvrait à peu près le même spectre que celui couvert par la première moitié de l’ouvrage de Sobran quelque vingt années auparavant, mais avec une rigueur et un sens du détail nettement approfondis, le tout pour en arriver exactement aux mêmes conclusions.
Après avoir soigneusement lu plusieurs livres et de nombreux articles produits par plus d’une vingtaine d’experts différents sur toutes les facettes de la controverse de la paternité des œuvres de Shakespeare, j’avais confiance dans le fait que j’étais parvenu à des conclusions solides.
Il m’apparaissait comme fort peu probable que la personnalité centrale de la littérature anglophone qu’était William Shakespeare fût véritablement le riche mais obscur M. Shakspere de Stratford-upon-Avon, comme je l’avais par le passé toujours pensé. Il semblait exister des éléments plutôt probants pour que le grand dramaturge fût en réalité Edouard de Vere, comte d’Oxford, écrivant sous un nom de plume, avec de solides indices dans ce sens trouvés dans les Sonnets shakespeariens.
Ces résultats m’apparaissaient évidemment comme choquants, mais tout aussi choquant m’apparaissait le fait que cette réalité écrasante était restée ignorée durant des générations par la quasi-totalité de notre establishment littéraire anglophone. Dans le même temps, j’étais moi-même resté inconscient de l’existence même de toute controverse sérieuse, alors que de longs débats avaient été publiés dès les années 1990 et fait l’objet de premières pages de magazines aussi influents que l’Atlantic Monthly ou Harpers.
Je croyais donc désormais être parvenu à des connaissances solides sur l’ensemble de ces sujets en lien avec la véritable identité de Shakespeare, un sujet disputé avec ferveur depuis presque 2 siècles. Mais début mars 2025, j’ai lu un autre livre, dont le contenu a une fois de plus totalement remis en cause l’ensemble de mes conclusions. Je ne peux pas dire quand ou si cette théorie finira par être adoptée par l’establishment universitaire, mais j’ai trouvé l’analyse de l’auteur extrêmement convaincante.
Dennis McCarthy, un chercheur indépendant, a publié Thomas North au mois d’octobre 2022, ce titre sans relief se voyant accompagné du sous-titre très provocateur « L’Auteur Original des Pièces de Shakespeare ». Livre auto-publié de 400 pages environ, il ne présente pas de page de copyright en début d’ouvrage, il manque un rappel du titre de chapitre en hauts des pages de texte, mais son contenu stupéfiant compense de très loin ces problèmes techniques. Il se classe au rang invisible de 1.9 millionième sur Amazon, mais cela pourrait changer à l’avenir.
Le sujet titre de l’ouvrage de McCarthy est Sir Thomas North, tout au plus un nom habituel. Mais en son temps, North fut un érudit diplomate, commandant militaire, auteur et traducteur avec des connaissances en droit, mieux connu pour ses traductions en langue anglaise des Vies Parallèles de Plutarque et de plusieurs autres livres.
Les origines de l’ouvrage écrit par McCarthy remontent à 2018, lorsque l’auteur ainsi qu’un collaborateur universitaire utilisèrent un logiciel de détection de plagiat sur les ouvrages de Shakespeare. Comme l’indique un article de première page du New York Times et de nombreuses autres publications dans des médias, ils avaient découvert une importante et nouvelle source comportant une dizaine de pièces de théâtre de Shakespeare, dont Macbeth et le roi Lear. Ces drames avaient apparemment puisé lourdement dans un manuscrit non publié écrit par George North, sans doute un cousin de Thomas, qui était une personnalité mineure de la Cour de la reine Elizabeth, et qui fut nommé par elle ambassadeur en Suède. Aucun plagiat ne fut détecté, mais de nombreux éléments semblaient indiquer que le dramaturge avait lu et s’était inspiré de cette discussion de rebelles et de rebellions, et sa pièce faisait usage des mêmes mots que ceux qui apparaissaient dans ce manuscrit de George North, dans des scènes présentant des thématiques semblables et mettant parfois en jeu les mêmes personnages historiques.
Le Times citait de nombreux chercheurs majeurs sur Shakespeare décrivant la grande importance de cette découverte, et le directeur de la Folger Shakespeare Library de Washington déclarait :
S’il prouve ce qu’ils affirment, il s’agit d’une découverte telle qu’on n’en fait qu’une par génération — ou sur plusieurs générations.
Cette réussite a dès lors inspiré McCarthy et ses collaborateurs à entreprendre une analyse majeure des pièces de Shakespeare en utilisant une approche technologique semblable, et au fil des années qui ont suivi, ils ont fait des découvertes stupéfiantes.
On savait depuis longtemps que les Tragédies Romaines de Shakespeare s’appuyaient lourdement sur la traduction par Thomas North des Vies de Plutarque, et le bref article Wikipédia consacré à North souligne même ce fait. McCarthy cite également l’introduction de George Wyndham à cette édition standard de Plutarque :
Shakespeare, le premier poète de tous les temps, a emprunté trois pièces dans leur quasi-intégralité à North. L’obligation de Shakespeare apparaît dans presque l’intégralité de ce qu’il a écrit. Pour la mesurer, vous devez citer le plus gros des trois pièces.
Mais leur logiciel révèle que la dette est nettement plus importante que ce qu’on avait jamais compris jusqu’alors. En appliquant cette analyse à l’ensemble des traductions et écrits de North, on trouve la même correspondance remarquable dans un très grand nombre d’autres pièces de Shakespeare, pas uniquement dans les Tragédies Romaines. Comme l’explique McCarthy dans son second chapitre :
Ce qui est vraiment convainquant, ce sont les passages, discours et récits entiers tirés de North — et leur persistance dans les pièces… nul n’a davantage emprunté à un auteur passé que Shakespeare n’a emprunté à North… En termes de nombre de lignes et de passages réutilisés, aucun auteur publié de toute l’histoire de la langue anglaise n’a répliqué davantage d’éléments depuis un auteur passé que Shakespeare n’en a tiré de North. Cela vaut pour l’époque de Shakespeare et cela vaut jusqu’à aujourd’hui…
Le logiciel aide à identifier les lignes de correspondance entre divers ouvrages, et lorsqu’on l’utilise sur les écrits de North et les pièces de Shakespeare, les résultats sont stupéfiants. Des centaines de discours, d’échanges, d’intrigues et de descriptions dans les pièces de Shakespeare — y compris nombre des très célèbres soliloques — dérivent de passages parallèles dans les traductions de North.
McCarthy consacre une centaine de pages, dans la suite du livre, à démontrer ces affirmations énormes en documentant le nombre massif de correspondances entre les travaux de North et ceux de Shakespeare, des résultats qui semblent inouïs mais absolument indéniables. McCarthy maintient un Substack, et il a produit l’an dernier une brève vidéo qui résume ses découvertes choquantes :
- L’étendue ahurissante des emprunts pratiqués par Shakespeare à Sir Thomas North
Shakespeare a utilisé North dans chaque Acte de chaque Pièce, il dépasse de loin les plagiaires les plus connus de l’histoire.
Dennis McCarthy • Substack • 11 septembre 2024 • 5:35
Plus bas, dans le même chapitre de son livre, McCarthy décrit l’énorme étendue de ces correspondances :
Le présent ouvrage examine plus de 200 passages et lignes, y compris des milliers de lignes unitaires qui montrent le recyclage pratiqué par Shakespeare d’éléments produits par North… Même lorsque nous fouillons les plus grandes actions de plagiat de l’histoire… nous trouvons que ceux-ci ne s’étalent pas sur le dixième de l’étendue du plagiat pratiqué par Shakespeare sur les travaux de North. Peut-être pas cent fois plus étendus. Car pour atteindre la portée des emprunts réalisés par Shakespeare, il faut qu’un plagiaire soit à la fois neurotiquement obsédé et prolifique, puisant dans les œuvres du même auteur durant toute une carrière étalée sur des dizaines d’années, de son premier à son dernier livre.
La notion selon laquelle la plus grande personnalité de la littérature anglophone fut également le pire plagiaire de l’histoire du monde apparaît comme absolument étrange.
Mais il existe une explication nettement plus simple et moins dérangeante. McCarthy l’explique dans un autre post sur Substack :
Comme tous les chercheurs s’accordent à le penser, Shakespeare a fréquemment adapté des pièces plus anciennes. Oui, Shakespeare fut un dramaturge lettré qui fit travailler sa plume dans toutes les pièces qu’on lui a attribués, mais nous savons également que Shakespeare a fréquemment adapté des pièces plus anciennes — un fait qu’aucun chercheur ne réfute. Les éditeurs et chercheurs renommés disposent de preuves ouvertes de l’utilisation par Shakespeare de pièces plus anciennes dans des dizaines d’instances. Certains de ces éléments comprennent des allusions impossiblement précoces à des pièces apparemment « shakespeariennes » des années 1560, 1570 et 1580 — parues trop tôt pour que Shakespeare, qui est né en 1564, ait pu les écrire. Par exemple, le poète Arthur Brooke fait référence à un Roméo et Juliette qu’il a vu joué sur scène en 1562, deux ans avant la naissance de Shakespeare. De même, des contemporains de Shakespeare — et des connaisseurs intimes de la littérature après sa mort — ont décrit de manière répétée Shakespeare comme un adaptateur d’anciennes pièces.
Comme le note McCarthy, les universitaires du mouvement dominant ont reconnu de longue date qu’il existait des versions plus anciennes de nombreuses pièces de Shakespeare, y compris de Roméo et Juliette, de Henri V, du Roi Lear, de Jules César, du Marchand de Venise, et d’autres. De fait, l’une de ces pièces antécédentes, le plus souvent désignée sous le nom Ur-Hamlet, est tellement bien attestée qu’elle dispose même de sa propre brève page Wikipédia, et ce fut Ur-Hamlet qui aida au départ McCarthy sur la piste de ses découvertes littéraires époustouflantes.
L’explication évidente était donc que toutes ces pièces plus anciennes avaient été écrites par North lui-même, qui s’était lourdement appuyé sur ses propres écrits passés pour ce faire, souvent de mémoire. Ce qui n’implique absolument aucun plagiat.
Shakespeare acheta ensuite les droits des pièces existantes de North et les adapta à la scène publique, et le degré d’adaptation qu’il appliqua reste incertain, mais sans doute que de très importants éléments survécurent sans être modifiés. Ainsi, toutes ces grandes pièces de Shakespeare pourraient être considérées comme un travail collaboratif entre Shakespeare et North, peut-être même une collaboration extrêmement unilatérale.
Au sein du même post Substack, McCarthy intègre une bande dessinée amusante suggérant la manière dont les faits longtemps acceptés et considérés comme bénins par les chercheurs sur Shakespeare peuvent soudainement se transformer en faits hautement controversés :
- Comment nous savons que Thomas North a écrit les pièces adaptées par la suite par Shakespeare
Un post gratuit et re-distribuable qui résume les preuves de la paternité originelle de North
Dennis McCarthy • Substack • le 13 mars 2025 • 4,000 mots
McCarthy s’étale sur une grande partie de la suite du même chapitre à répondre à certaines questions soulevées par cette hypothèse extraordinaire.
Par exemple, la raison pour laquelle North ne publia pas ses propres pièces fut que durant ses premières années d’écriture, presque personne ne publiait jamais de pièce, et seule une petite fraction des pièces produites durant cette période fut jamais imprimée. En outre, les pièces de North n’auraient sans doute pas pu être produites dans un théâtre public, car ces établissements ne commencèrent à exister que durant la fin de la carrière de North, si bien qu’il y aurait eu beaucoup moins d’intérêt populaire envers ces travaux. De fait, McCarthy indique qu’un grand nombre des pièces les plus importantes de Shakespeare ont bien failli se perdre pour des raisons similaires :
Chose importante, Shakespeare non plus ne publia pas la majorité de ses pièces. Et n’eût été la publication fortuite d’une collection de ses travaux sept ans après sa mort — le premier Folio — on aurait perdu Antoine et Cléopâtre, Macbeth, La Douzième Nuit, le conte d’hiver, Jules César, La Tempête, Comme vous préférez et de nombreuses autres pièces. De fait, nous n’aurions même jamais rien su de la simple existence de ces pièces.
Dans une annexe, McCarthy confirme que North était connu comme dramaturge, et il a même réussi à dénicher un reçu de paiement en date de 1580 pour l’une des pièces écrites par North, produite alors que Shakespeare n’était encore qu’adolescent. Ainsi, North reçoit argent et crédit pour ses pièces au moment où il les écrit, mais ces historiques ne survivent pas, et ni Shakespeare ni personne d’autre n’a noté les paiements versés pour les pièces utilisées comme source qu’il acheta bien plus tard pour les adapter.
Se pose également la question évidente de savoir pourquoi Shakespeare n’a pas adapté et gagné en renommé sur la base de pièces produites par d’autres auteurs. La réponse de McCarthy est qu’il l’a certainement fait :
Bien que ce fait reste peu connu, d’autres pièces comme Locrine, Une Tragédie du Yorkshire, Le Prodige Londonien ou Sir John Oldcastle furent toutes publiées sous le nom de Shakespeare ou avec ses initiales sur les pages de titre… On a continué d’attribuer ces pièces à Shakespeare durant plus d’un siècle, et elles ont mêmes fait l’objet d’une parution dans la collection la plus officielle des pièces de Shakespeare, publiée durant la seconde moitié du XVIIème siècle… Il n’existe aucune trace durant cette période de quiconque remettant en question leur paternité. Depuis lors, les universitaires et éditeurs ont déterminés que ces pièces étaient tellement inférieures, ou présentaient un style tellement différent qu’elles ont été retirées du canon de Shakespeare. Ils ont pour théorie que le nom de Shakespeare aurait été apposé sur les pages de titres par des éditeurs corrompus… En réalité, ces pièces sont elles aussi des adaptations réalisées par Shakespeare. Et la seule raison pour laquelle elles semblent aussi peu shakespeariennes est qu’elles ne furent pas au départ écrites par North.
McCarthy consacre une grande partie d’un autre chapitre à la pièce Arden de Faversham dont le récit est celui d’un meurtre qui s’est réellement produit en Angleterre à l’époque. Cette pièce n’est en général pas considérée comme appartenant au canon shakespearien, mais de nombreux universitaires pensent qu’elle devrait être créditée à Shakespeare pour de simples raisons de qualité et de style.
Pourtant, Alice Arden, l’infâme protagoniste qui partage de nombreux traits avec l’imaginaire Lady Macbeth, était en réalité la demi-sœur de North, et sa paternité probable renforce donc fortement la preuve de la nature très shakespearienne du drame qu’il a écrit. Ici encore, cette pièce partage plus de 100 lignes et passages avec certains autres travaux de North. McCarthy pense qu’il peut s’agir du tout premier drame écrit par North, écrit pour la première fois alors que l’auteur était encore âgé d’une vingtaine d’années, et dont il recyclera certains des phrasés dans Macbeth.
Une des sections du livre de McCarthy est consacrée à ce qu’il appelle les preuves « de flagrant délit » de son hypothèse, à savoir le fait que certaines des pièces de Shakespeare pratiques de lourds emprunts au Journal de Voyage jamais publié de North, ainsi que de l’une des traductions de North avant que celle-ci ait jamais été publiée. Il est très peu probable que Shakespeare lui-même ait eu accès à ces sources, si bien qu’il ne peut pas avoir été l’auteur originel de ces pièces. McCarthy consacre également une portion de son long post Substack à décrire ce même élément très probant, et y a même apposé un résumé en vidéo.
McCarthy n’évoque que brièvement le débat existant de longue date sur la paternité des œuvres de Shakespeare, et il affirme de manière raisonnable que sa propre hypothèse entre dans une catégorie totalement différente.
Il note que les partisans du comte d’Oxford ou de tout autre candidat proposé auront passé des dizaines d’années à rechercher en vain la moindre preuve textuelle soutenant leurs théories, des mots ou des phrases correspondant à ceux du corpus de Shakespeare. Mais sans même rechercher ce type d’élément, il a lui-même trouvé des milliers de correspondances étroites de ce type entre les pièces de Shakespeare et les travaux de North.
Qui plus est, North était un érudit parlant plusieurs langues, et qui avait beaucoup voyagé, qui présentait exactement le type de profil que l’on attendrait de la part de l’auteur des pièces de Shakespeare. McCarthy avance également des arguments plausibles, selon lesquels ces pièces furent probablement inspirées et écrites durant différentes phases de la vie de North, certains de leurs éléments les plus notables correspondant aux expériences personnelles vécues par ce dernier.
Que son approche fût ou non intentionnelle, il m’apparaît que McCarthy a cadré de manière très avisée son hypothèse révolutionnaire. Il était notoire que les universitaires dominants s’intéressant à Shakespeare répugnaient à accepter le moindre défi quant à l’identité de leur sujet. Mais en soulignant l’énorme part d’emprunts pratiqués par Shakespeare dans l’œuvre de North, McCarthy les contraint à soit reconnaître que leur grand dramaturge fut le pire plagiaire de l’histoire de l’humanité, soit que ses pièces furent en réalité écrites par North. Cela les a confrontés à un terrible dilemme, la deuxième possibilité constituant de fait le choix le moins terrible des deux.
McCarthy s’abstient également avec sagesse de même donner le moindre indice sur l’idée que Shakespeare pût être quelqu’un d’autre que M. Shakspere de Stratford. Le chercheur était déjà confronté à des difficultés énormes à faire accepter sa théorie remarquable par les universitaires dominants les études sur Shakespeare, et il avait besoin de tout sauf de déclencher leur antipathie de longue date envers cette question déjà existante de la paternité de ses œuvres. Il leur laisse même un ou deux os à ronger en suggérant que le rôle de North a éliminé l’argument existant selon lequel l’absence de formation formelle de Shakespeare ou le fait que celui-ci n’ait jamais voyagé à l’étranger désignerait le comte d’Oxford comme auteur probable.
Mais mon ressenti penche plutôt vers l’idée que l’hypothèse Thomas North de McCarthy coïncide très bien avec la théorie existante du comte d’Oxford. De fait, elle résout les problèmes que j’avais conservés à l’esprit en pensant à celle-ci.
Selon le cadre traditionnel de Shakespeare, l’auteur continua de travailler comme acteur alors même qu’il écrivait chaque année deux ou trois de ses excellentes pièces, et de nombreux observateurs sceptiques ont soulevé le fait que cela représentait un agenda de travail vraiment difficile.
Mais si Oxford fut bien le véritable auteur, le problème empirait encore davantage. En tant qu’aristocrate de premier plan de l’Angleterre élisabéthaine, Édouard de Vere était lourdement impliqué dans un grand nombre d’intrigues de cour de l’époque, parfois dangereuses, et je me demandais comment il aurait pu trouver le temps à la fois d’écrire un aussi grand nombre de longues pièces de théâtre. En tant qu’héritier — puis dilapideur — de l’une des plus grandes fortunes d’Angleterre, il était certainement confronté à de nombreuses autre distractions quotidiennes et son histoire personnelle ne suggère guère que sa personnalité fût propice à écrire d’arrache-pied, année après année. Mais s’il se contenta d’adapter légèrement des pièces déjà écrites des années plus tôt par North, en comprend beaucoup mieux la possibilité de sa remarquable productivité.
Il me semblait que les éléments les plus puissants identifiant Shakespeare avec le comte d’Oxford provenaient de ses sonnets, et il semblait plausible que le comte ait bien écrit tous ces poèmes, sans la moindre implication de North ou de quiconque. La plupart de ces poèmes ne comportent qu’une centaine de mots, si bien que le texte de l’ensemble des 154 sonnets est plus court que l’une ou l’autre des nombreuses pièces de Shakespeare prise individuellement, sans compter qu’écrire un sonnet ne demande pas de définir une intrigue complexe, de dépeindre les traits de personnages, ou de réfléchir à une mise en scène. Même un aristocrate bien occupé comme le comte d’Oxford aurait pu trouver le temps d’écrire ces sonnets, surtout au vu du fait qu’ils apparaissent comme intensément personnels.
Autre point que soulignent souvent ceux qui remettent en question le narratif orthodoxe sur Shakespeare est que les critiques contemporains laissaient entendre que le grand dramaturge s’était injustement attribué les mérites d’un travail qui n’était pas le sien. Mais si chacun savait que « Shakespeare » constituait un nom de plume utilisé par le comte d’Oxford ou par quelqu’un d’autre, cela semblait n’avoir aucun sens. Aurait-on accusé « Mark Twain » de s’attribuer à tort les mérites d’un ouvrage réellement écrit par Samuel Clemens ? Quoi qu’il en soit, si la plupart, ou presque tout le texte des pièces populaires fut produit de nombreuses années plus tôt par North, et qu’une personne opérant sous le nom de plume de « Shakespeare » s’était à sa place identifiée à ces œuvres en en revendiquant la paternité, ces critiques deviennent nettement plus compréhensibles.
Durant plus de deux siècles, toutes les discussions passées sur la question de la paternité des œuvres de Shakespeare impliquèrent au maximum deux personnages principaux. Mais je pense qu’en fait, il y en avait donc trois.
Il y eut Sir Thomas North, que l’histoire a largement oublié, mais qui est l’homme qui écrivit la plupart, ou presque tous les textes de ces excellentes pièces. Il y eut le personnage dissimulé derrière le nom de plume de « Shakespeare », sans doute Édouard de Vere, comte d’Oxford, qui acheta les droits d’utilisation publique des pièces, et qui les adapta ou les modifia peut-être pour ce faire.
Et il y eut le prospère homme d’affaires, M. Shakspere de Stratford-upon-Avon, dont le seul véritable rôle dans cette histoire est d’avoir été par erreur confondu durant plusieurs siècles avec le génie central de la littérature anglaise, et le plus grand dramaturge de l’histoire.
Ron Unz
Traduit par José Martí, relu par Hervé pour le Saker Francophone
songkrah.blogspot.com
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