√Trump va conclure un accord avec l’Iran en vue d’un nouveau Moyen-Orient ~ Songkrah
Par M.K. Bhadrakumar – Le 9 juillet 2025 – Indian Punchline
Même au plus fort de la crise entre les États-Unis et l’Iran depuis la révolution islamique de 1979, les observateurs perspicaces n’ont jamais perdu de vue que cette rupture acrimonieuse était davantage le signe d’une relation distante aspirant à la réconciliation que d’une fracture irrémédiable. Si la réconciliation a pris autant de temps, c’est parce qu’il s’agissait d’une relation où la mémoire se mêlait au désir.
C’est pourquoi le drame qui se déroule depuis que les États-Unis ont largué des bombes « bunker buster » sur le site nucléaire de Fordow le 22 juin dernier a pris une tournure surréaliste, avec des images qui se mélangent de manière étrange, comme dans un rêve.
Si quelqu’un peut naviguer dans une transition aussi complexe et exclusive, entre fantasme et réalité, c’est bien quelqu’un comme le président américain Donald Trump, qui a autrefois animé l’émission de téléréalité The Apprentice, diffusée sous différents formats pendant quinze saisons sur NBC de 2004 à 2017, mettant en scène des entrepreneurs en herbe qui se disputaient un contrat d’un an de 250 000 dollars pour promouvoir l’une des propriétés de Trump.
La propriété proposée aujourd’hui est la Riviera de Gaza. À l’instar de The Apprentice, qui a connu vingt versions locales, la Riviera de Gaza est également une chose merveilleuse qui offre quelque chose à tout le monde, y compris à l’Iran et à Israël. Mais c’est aller trop vite en besogne.
En fin de compte, qu’a accompli Midnight Hammer ? Presque personne n’a remarqué que Trump avait réparé une ancienne injustice commise par l’Iran. Et ce qui est beau, c’est que s’il a fallu 444 jours pénibles pour mettre fin à la crise des otages en Iran, Trump a eu besoin de moins d’une heure pour clore définitivement ce sombre chapitre et remonter le temps jusqu’à l’histoire des relations entre les États-Unis et l’Iran d’avant cette époque.
À partir de là, il devient beaucoup plus facile pour Trump de faire changer l’opinion américaine afin qu’elle accepte un engagement total avec l’Iran. L’iranophobie est en train d’être enterrée dignement. C’est la première chose.
Deuxièmement, Trump a résolu la question nucléaire iranienne à minuit le 22 juin lorsqu’il a « détruit » les sites nucléaires de ce pays. L’annonce de Trump a donné naissance à toute une nouvelle industrie de détracteurs qui ont insisté sur le fait que le programme nucléaire iranien était toujours bien vivant, notamment le directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi. Trump est resté fidèle à son discours, malgré tout. D’un seul coup, il a fermé la porte à toute excuse permettant à Israël d’interférer dans les négociations de normalisation entre les États-Unis et l’Iran.
Hier, Trump a laissé entendre qu’il n’avait plus aucune raison de se vanter de Midnight Hammer comme d’une « attaque ». L’ellipse de Trump est apparue brièvement dans ses remarques lors d’un dîner de travail avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son épouse Sara, psychologue de formation, à la Maison Blanche lundi.
La cognition intuitive et la confiance de Trump sont si fortes qu’il a en fait préféré laisser Netanyahu s’adresser aux médias pour expliquer la raison d’être de la reprise des négociations entre les États-Unis et l’Iran. C’était un plaisir de voir le visage impassible de Trump pendant que Netanyahu s’exprimait avec éloquence. Mais lorsqu’un journaliste a demandé à Netanyahu si Israël cherchait toujours à changer le régime en Iran, il a répondu sèchement que c’était au peuple iranien de décider !
Trump a incité Steve Witkoff à annoncer que les négociations entre les États-Unis et l’Iran pourraient avoir lieu dès la semaine prochaine. Il a prédit qu’un document pourrait être officialisé lors de ces négociations et a salué l’approche positive de l’Iran.
Troisièmement, Téhéran n’a pas tardé à reconnaître que des négociations avec les États-Unis étaient à l’étude. Bien sûr, Téhéran affirme que l’initiative vient du côté américain. Les médias iraniens ont déclaré : « Après avoir échoué à mettre un terme aux capacités nucléaires de l’Iran, les responsables américains ont déclaré : À cet égard, le ministère iranien des Affaires étrangères réfléchit à la nécessité et à la validité des revendications américaines et à la manière d’organiser un nouveau cycle de négociations afin de lever les sanctions, de déterminer le niveau d’enrichissement de l’uranium et d’obtenir une compensation pour la guerre de 12 jours qui a été imposée. »
Il n’y a rien d’inhabituel à ce qu’il y ait quelques escarmouches avant des négociations difficiles. Cependant, le discours de l’Iran, tout comme celui de Trump, s’est adouci. Au cours d’une interview d’une demi-heure avec Tucker Carlson, le très influent commentateur politique conservateur américain, le président Masoud Pezeshkian s’est adressé dimanche à l’élite de Washington. Il a principalement évoqué la nécessité cruciale de freiner Netanyahu et a révélé que les services secrets israéliens avaient tenté de l’assassiner, mais s’est abstenu de toute référence négative aux États-Unis.
Dans le même temps, le ministre des Affaires étrangères Abbas Araghchi a également rédigé un article pour le Financial Times dans le même esprit. Araghchi a révélé que l’attaque israélienne du 13 juin est survenue à un moment critique, alors que les négociations étaient « sur le point d’aboutir à une avancée historique » sur « l’avenir de l’enrichissement d’uranium iranien », avec plusieurs idées pour une solution gagnant-gagnant, et sur la levée des sanctions et « l’implication des États-Unis dans une coopération économique plus large qui représentait une opportunité d’un trillion de dollars… qui allait dynamiser l’économie iranienne ».
Il est à noter qu’Araghchi n’a plus affirmé que les États-Unis et Israël agissaient de concert. Il affirme désormais qu’Israël manipule Washington. Certes, ces déclarations ne sont pas contradictoires, mais Araghchi, brillant diplomate de carrière, perçoit un changement subtil dans l’approche de Trump envers Israël ces derniers temps. Araghchi a écrit : « La promesse de Trump d’une « Amérique d’abord » est, dans la pratique, détournée en une « Israël d’abord »… Les Américains semblent en avoir assez. »
Trump ne pourrait être plus d’accord avec Araghchi. Mais il y a aussi un facteur régional dans ce changement tectonique. Le fait est que Riyad joue un rôle important, à la demande de Téhéran, en utilisant son influence auprès de l’administration Trump pour éviter le recours à la force militaire et privilégier la voie politique et diplomatique avec l’Iran.
Pezeshkian s’est entretenu personnellement avec le prince héritier Mohammed ben Salmane ; en conséquence, le prince Khalid ben Salmane, ministre saoudien de la Défense, a fait la navette entre Riyad, Téhéran et Washington ces derniers jours.
Les efforts de médiation saoudiens ont culminé lors d’une réunion secrète entre le prince Khalid et Trump à la Maison Blanche le 3 juillet pour discuter de la désescalade avec l’Iran, après quoi le prince saoudien s’est entretenu avec le chef militaire iranien. Araghchi s’est rendu à Riyad le 9 juillet et a rencontré le prince Mohammed et le prince Khalid pour leur transmettre la gratitude de Téhéran. Apparemment, Trump a fait savoir par l’intermédiaire du prince Khalid qu’il n’y aurait plus d’attaque contre l’Iran.
L’indignation arabe face à la guerre d’Israël à Gaza et la méfiance de Riyad à l’égard d’Israël, considéré comme une force de plus en plus militariste et déstabilisatrice, ont rapproché l’Arabie saoudite et l’Iran comme jamais auparavant dans l’histoire récente. L’atout majeur de l’Arabie saoudite est sa réticence à établir des relations officielles avec Israël, sans lesquelles tous les efforts de Trump pour faire progresser l’intégration régionale de Tel-Aviv resteront vains et sa vision d’un nouveau Moyen-Orient restera un objectif trop ambitieux.
Trump le sait, le prince Mohammed le sait, Netanyahu le sait – et bien sûr, Araghchi le sait. Et cela devient l’élément le plus crucial du casse-tête de Gaza, qui est en effet directement lié au problème palestinien, la question centrale au Moyen-Orient qu’Israël a habilement éludée en détournant l’attention vers le soi-disant problème du nucléaire iranien.
D’après l’optimisme récent de Trump concernant les accords d’Abraham, il a évalué l’importance cruciale du cessez-le-feu à Gaza. J’ai écrit aujourd’hui dans le New Indian Express : « Il est évident que Trump a en tête un grand compromis pour attirer l’Iran et Israël dans une matrice régionale d’interconnexions économiques avec l’Occident, reposant sur des accords commerciaux, des liens économiques, des investissements et la connectivité afin de créer une nouvelle Asie occidentale. Trump espère profiter du cessez-le-feu à Gaza pour lancer ce plan avec les voisins de l’Iran et naviguer vers les accords d’Abraham 2.0. »
L’accord visant à reprendre les pourparlers entre les États-Unis et l’Iran doit donc être considéré comme un moment décisif et un grand pas en avant dans la création d’un nouveau Moyen-Orient par le président américain, un artisan de la paix.
M.K. Bhadrakumar
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.
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