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√Netanyahu dépeint un sombre avenir économique pour Israël. Que cela veut-il dire ? ~ Songkrah


Par Yves Smith – Le 17 septembre 2025 – Source Naked Capitalism

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou est un politicien extrêmement rusé. Alors, que penser de ce qui ressemble à un aveu majeur en sa défaveur dans un discours prononcé face au comptable général du ministère des Finances, discours dans lequel il explique qu’Israël est acculé économiquement et n’a pas d’issue toute tracée ? Comme nous en discuterons, Netanyahou a tenté de revenir sur ses remarques le lendemain, quand le marché boursier israélien a subi un passage à vide et que les chefs d’entreprise et les politiciens ont protestés.

Mais ce que Netanyahou a dit ne peut pas être passé sous silence, en particulier à la lumière des preuves que l’économie israélienne a subi de graves dommages sous sa ligne de flottaison. Et quiconque possède une cellule cérébrale opérationnelle sait qu’Israël ne peut pas devenir une autarcie, ni même une autarcie en termes de sa propre fourniture d’armes. Larry Wilkerson, qui lit régulièrement la presse israélienne et y a de nombreux contacts, a répété à plusieurs reprises qu’Israël avait subi des dommages économiques et sociétaux si graves qu’il prédit que le pays n’existera plus dans dix ans.

Alors, qu’est-ce qui aurait pu amener Netanyahou à admettre une grave faiblesse tout en l’emballant dans un papier cadeau du genre “Israël est le David qui l’emportera contre vents et marées” ? Est-ce que la prédiction de Wilkerson commence maintenant à devenir douloureusement évidente même au plus haut niveau en Israël ? Ou Netanyahou essaye-t-il de créer une justification pour des actions encore plus radicales ?

Peut-être que Netanyahou ne peut plus nier que l’extermination des Palestiniens et la belligérance d’Israël dans la région, ce qui surexploite son armée, placent Israël dans une position intenable à long terme. Le fait que le lendemain, une commission d’enquête de l’ONU ait publié un rapport concluant qu’Israël s’est engagé dans quatre des cinq activités génocidaires définies par la loi met encore plus de pression sur l’État ethno-suprémaciste. La Convention des Nations Unies pour la prévention et la répression du crime de génocide impose aux États membres de fortes obligations d’agir pour mettre fin au génocide. De plus, cette constatation rend plus difficile pour les gouvernements confrontés à des appels de citoyens à faire quelque chose contre le génocide et les fait hésiter à prendre des mesures contre Israël. Attendez-vous à beaucoup plus de choses de ce genre :

https://x.com/declassifiedUK/status/1968231937115648308

Et le rapport nomme des cibles potentielles d’action pour les entreprises.

https://x.com/BDSmovement/status/1966475380631454139

Que se passerait-il si des États qui commencent à sanctionner Israël, comme la Belgique, sanctionnaient aussi ceux qui ne coupent pas les liens avec Israël ? Et si d’autres nations les rejoignaient ? Goldman Sachs peut sembler insensible aux pressions…mais que se passerait-il si une nation sanctionnait Goldman Sachs et toutes les banques et courtiers nationaux qui négocient avec eux ? La menace de de la suspension du droit à exercer réjouit merveilleusement l’esprit.

https://x.com/codepink/status/1963739708590006440

Je pense que Netanyahou a prononcé son discours devant le comptable général du ministère des Finances en hébreu, car je ne le trouve pas sur la version anglaise du site du Bureau du Premier ministre. Mais le Times of Israel l’a détaillé dans son article titré « Netanyahou admet qu’Israël est économiquement isolé, dit qu’il devra devenir une « super-Sparte » » :

« Israël est dans une sorte d’isolement« , a reconnu Netanyahou… »Nous devrons de plus en plus nous adapter à une économie aux caractéristiques autarciques« …

Face à un scénario « Athènes contre Sparte« , Israël sera « Athènes et super-Sparte« , a déclaré Netanyahou. « Il n’y a pas le choix ; dans les années à venir nous devrons faire face à ces tentatives de nous isoler. »

Israël fait face à deux nouvelles menaces depuis le début de la guerre, a expliqué Netanyahou : les changements démographiques en Europe résultant de l’immigration en provenance de pays à majorité musulmane et l’influence des acteurs anti-israéliens sur les plateformes numériques, aidés par les nouvelles technologies.

« Je crois au libre marché, mais nous pourrions nous retrouver dans une situation où nos industries d’armement seront bloquées. Nous devrons développer les industries de l’armement ici — non seulement la recherche et le développement, mais aussi la capacité de produire ce dont nous avons besoin« , a-t-il déclaré.

Netanyahou a désigné la Chine et le Qatar comme les principaux « acteurs anti-israéliens sur les plateformes numériques« . Continuons avec l’article du Times of Israel :

Netanyahou a d’abord abordé les changements démographiques en Europe, où la « migration illimitée » a fait des musulmans une « minorité significative — très bruyante, très, très belliqueuse. » Les citoyens musulmans de ces pays font pression sur les gouvernements européens pour qu’ils adoptent des politiques anti-Israéliennes, a-t-il affirmé.

« Leur objectif n’est pas Gaza, c’est de s’opposer au sionisme en général, et parfois proposer un programme islamiste qui défie ces États« , a ajouté le Premier ministre….

Cela crée des limitations, et toutes sortes de sanctions contre Israël…. C’est un processus qui a été à l’œuvre au cours des 30 dernières années, et surtout au cours de la dernière décennie… Clair comme le jour”, a-t-il déclaré.

La situation pourrait entraîner des embargos sur les armes et, bien qu’il ne s’agisse que de menaces pour l’instant, “le début de sanctions économiques« , a averti le Premier ministre…

Cela nous met dans une sorte d’isolement”, a-t-il déclaré, ajoutant qu’Israël peut lutter contre la diabolisation et l’incitation s’il investit “de très grosses sommes” dans des efforts pour contrer ces récits.

Ainsi, selon Netanyahou, les appels à des sanctions contre Israël et les campagnes BDS sont tous le fait de musulmans, et non de gens honnêtes en général. Retour à l’article :

Le deuxième défi, selon Netanyahou, est l’investissement des « rivaux d’Israël, à la fois des ONG et des États comme le Qatar et la Chine » pour « influencer les médias occidentaux avec un programme anti-israélien, en utilisant des robots, l’intelligence artificielle et des publicités. »…

Israël peut lutter contre la diabolisation et l’incitation s’il investit “de très grosses sommes” dans des efforts pour contrer ces récits.

Mais pour l’instant, a-t-il dit, Israël doit rapidement établir la capacité de produire tout ce dont il a besoin militairement sans dépendre du commerce extérieur.

Netanyahou dit régulièrement des choses folles, mais elles prennent racines dans des tropes bien établis, comme « Israël est la victime irréprochable de la sauvagerie du Hamas ». Mais là, il s’agit d’une ligne entièrement nouvelle. Et toute aussi ridicule que ses élans de poitrine sionistes. Israël peut-il produire tout ce dont il a besoin militairement, sans commerce ni puces, à moins qu’il ne prenne la pratique russe de les récupérer dans les machines à laver ? Ou Israël utilisera-t-il juste des lance-pierres et des armes nucléaires pour ses guerres ?

Et en ce qui concerne la domination du narratif, le fait qu’Israël ait réussi à enrôler les gouvernements occidentaux pour réprimer agressivement les manifestations, et même les discours, pro-palestiniens montre le contraire. Tout comme le fait qu’il y ait peu d’informations disponibles sur le mauvais état de l’économie israélienne.

Lorsque nous avons souligné la forte contraction économique initiale, après le 7 octobre, et le niveau de départ des professionnels, en particulier dans le secteur de la technologie, des lecteurs ont fait valoir qu’Israël pouvait encore être soutenu par des injections de liquidités extérieures. Nous avons dit que cela ne fonctionnerait pas sur le long terme si suffisamment de personnes qualifiées partaient et ne revenaient pas. Les experts ont estimé qu’Israël ne dépendait que de 300 000 professionnels et techniciens. Et ceux-ci pencheraient vers les Ashkénazes qui ont été de plus en plus marginalisés politiquement à mesure que les extrémistes de droite ont pris la barre. Ce qui reste n’est pas une économie de fabricants et de services productifs, mais un État providence.

Cela semble être ce qui s’est passé.

https://x.com/RyanRozbiani/status/1965007218467553627ere-more-meanings.html

De même, Shir Hever décrit Israël comme ayant une économie zombifiée :

https://x.com/GenXGirl1994/status/1955824000157859853

Dans une interview à Electronic Initifada, à peu près à la même date que le clip vidéo ci-dessus, Hever détaille un peu plus son argument. Hever est important dans le mouvement BDS, donc on pourrait dire qu’il a un parti pris. Et il a d’abord soutenu qu’Israël s’effondrerait après le raid du 7 octobre, puis il a admis son erreur de ne pas avoir anticipé à quel point de grosses injections de fonds étrangers allaient soutenir Israël.

Un passage clé à 4’55 :

Hever : Et c’est pourquoi je l’appelle la phase zombie de l’économie parce que, bien sûr, la crise économique est terrible et tous ceux qui sont capables de partir essaient de partir, à l’exception des personnes qui sont fondamentalement déterminées à se sacrifier, à sacrifier leur famille et leurs enfants et c’est aussi horrible. Et dans cette situation, il n’est pas pertinent de demander si l’économie israélienne va s’effondrer parce qu’elle s’est déjà effondrée. Elle survit simplement avec des entretoises imposées par des forces extérieures qui lui permettent de continuer à exister.

Barrows-Friedman : Parlons un peu plus des détails granulaires de l’impact économique. Israël est confronté à une crise budgétaire. Il avait projeté un déficit déjà important d’environ 5% de son PIB, son produit intérieur brut. Mais juste au cours des derniers jours, l’agence de notation Moody’s a déclaré que le déficit budgétaire d’Israël était plus susceptible d’être d’environ 8% du PIB, ce qui équivaut à environ 43 milliards de dépenses qu’il ne peut pas couvrir, rien que pour 2025. Et Moody’s, qui avait précédemment dégradé la cote de crédit d’Israël au plus bas niveau jamais atteint, a maintenu une perspective négative dans sa dernière analyse après la guerre contre l’Iran….

Hever : ce qui est déjà vu, c’est la complicité d’organisations comme Moody’s ou SNP, je veux dire que ce que vous décrivez comme une perspective négative est en fait une édulcoration de la situation réelle et c’est toujours une évaluation par ces notations de crédit comme si elles s’attendaient à ce qu’Israël soit un jour en mesure de payer ses dettes. Peut-être disent-ils que le risque a augmenté qu’Israël ne soit pas entièrement en mesure de payer ses dettes. Mais ce n’est pas la réalité. La réalité est que ces dettes n’ont aucune garantie et rien pour les couvrir. La dernière fois que nous avons eu cette conversation, c’était peu de temps après l’adoption du budget. Et je vous rappelle que le budget a été voté le 17 mars, un jour avant qu’Israël ne viole le cessez-le-feu. La seule façon pour Israël d’adopter le budget était de dire qu’il s’agissait d’un budget de cessez-le-feu. Ce qui signifie que les ressources pour l’armée seront retirées des besoins sociaux très nécessaires et très urgents, provoquant l’effondrement du système éducatif, du système de transport, du système de santé, qui ne peuvent pourtant plus attendre. Mais l’armée a besoin de plus d’armes, plus de bombes, plus de soldats, plus de réservistes ne pouvant pas retourner travailler, alors que toutes ces choses ne sont pas possibles, alors Israël a adopté le budget puis a violé le cessez-le-feu. Donc, le budget était une imposture depuis le début. Maintenant, selon ce budget, le ministère israélien de la Défense était censé obtenir une augmentation massive des dépenses, mais cette augmentation massive a déjà été dépassée dès le premier mois après la violation du cessez-le-feu. Et cela avant même la guerre contre l’Iran. Donc, vraiment, ce budget n’a aucun sens et tout autre pays qui casserait son propre budget de cette manière et dépenserait sans aucune considération pour ce que cela signifie et s’endetterait de plus en plus à un rythme aussi alarmant, tout autre pays qui ferait ce genre de politique serait repoussé par le marché international, comme c’est arrivé à l’Argentine en 2000 et à la Grèce en 2007, mais cela n’arrive pas à Israël à cause de cette complicité.

Notez que même si les États-Unis ont garanti les émissions d’obligations israéliennes jusqu’à fixer des limites en dollars, ce programme a expiré en 2023.

Juste avant le discours, les meilleurs experts ont tiré sur Netanyahou. Tiré de YNet :

Plus tôt lundi, quatre-vingts des plus hauts économistes israéliens ont averti qu’une invasion à grande échelle et une occupation militaire de Gaza causeraient des dommages économiques sans précédent au pays, aggravant une crise déjà grave causée par la guerre en cours.

Dans une lettre obtenue par Ynet, les économistes déclarent que le projet du gouvernement de s’emparer de la ville de Gaza et de déplacer environ un million de personnes au cours d’une opération militaire de plusieurs mois entraînerait un exode des jeunes professionnels, des dommages à long terme pour la réputation internationale d’Israël et des effets dévastateurs sur son économie et sa société.

Les remarques sur « l’autarcie » de Netayahu ont suscité des réactions féroces à la fois de la part des critiques de sa politique et des membres clés du monde des affaires. Tiré encore une fois du Times of Israel :

Le chef de l’opposition, Yair Lapid, a déclaré dans un communiqué : “L’isolement n’est pas une fatalité. C’est le produit de la politique erronée et ratée de Netanyahou et de son gouvernement, qui ont transformé Israël en un pays du tiers-monde et n’essaient même pas de changer la situation.”…

Le président de l’Association des fabricants d’Israël, Ron Tomer, a déclaré que Netanyahou “a dit publiquement ce que nous avons ressenti et mis en garde contre : la marque israélienne, de créativité, de demande et de succès, a été gravement endommagée dans le monde.”

L’industrie israélienne veillera à ce que nous ne manquions jamais ni de sécurité, ni de nourriture, ni de quoi que ce soit de vital pour l’économie israélienne. Cela étant dit, un marché autarcique sera un désastre pour l’économie israélienne et influencera la qualité de vie de chaque citoyen”, a-t-il déclaré.

Et les retombées se poursuivent deux jours plus tard. Selon Globes :

Les remarques du Premier ministre Benjamin Netanyahou hier, selon lesquelles, en raison de son isolement diplomatique, Israël devrait “s’adapter à une économie avec des caractéristiques autarciques” et devenir une “super Sparte” ont provoqué beaucoup de consternation. Des économistes chevronnés, y compris certains qui ont travaillé en étroite collaboration avec Netanyahou, se demandent quoi penser d’une déclaration aussi extraordinaire.

Une déclaration comme celle-ci au XXIe siècle revient à dire que nous retournerons à l’âge de pierre”, a déclaré le professeur Manuel Trajtenberg à Globes. « L’économie israélienne est très simple« , dit-il, « nous vendons des cerveaux au monde entier et nous achetons tout le reste. L’autarcie signifie que nous nous vendrons des cerveaux juifs entre nous et produirons tout le reste. Il est impossible que l’économie israélienne dans son format actuel puisse exister si nous allons dans le sens d’une réduction des liens économiques avec le monde. Nous parlons de l’essence de l’économie israélienne« , dit Trajtenberg. « Le résultat ne sera pas seulement une chute spectaculaire du niveau de vie, mais aussi de notre capacité à maintenir une armée, la sécurité et, bien sûr, tous nos services sociaux.« 

Extrait du Jerusalem Post : “Les principaux indices de la Bourse de Tel Aviv ont continué de baisser ce matin.

Et de Forward :

Dans un discours prononcé hier, il a choqué les Israéliens en avertissant qu’Israël pourrait bientôt être contraint de devenir une « super-Sparte » isolée au niveau mondial avec des « caractéristiques autarciques – ce qui signifie peu ou pas d’engagement dans le commerce international. Cette vision est un désastre qui effacerait l’avantage qualitatif qui a permis à Israël de construire une société qui n’est pas seulement un refuge mais aussi un aimant pour les immigrants, les investisseurs, le commerce, les échanges culturels et le tourisme. Un aperçu de l’isolement que cela entraînerait était évident dans la décision rendue aujourd’hui par le Comité des Nations Unies selon laquelle Israël commet un génocide à Gaza« .

Puis Haaretz :

Dans son discours sur la « Super Sparte« , le Premier ministre Benjamin Netanyahou a involontairement admis son échec retentissant et a ensuite annoncé qu’il prévoyait de continuer à enfoncer Israël profondément dans la fosse qu’il avait creusée pour se sauver….

Derrière les visions de Sparte se cache une demande simple : permettre à Netanyahou de gouverner sans restriction, par un seul homme, le tout au nom de la guerre éternelle. Pour établir ces énormes usines d’armement, a-t-il déclaré, tout obstacle juridique ou bureaucratique doit être écarté du chemin du Premier ministre. C’était l’essentiel de son discours : Supprimer toutes les restrictions de son chemin ; mettre fin à la bureaucratie ; mettre fin aux limitations légales : Netanyahou seul décidera, et personne ne l’arrêtera.

Haaretz, qui a tâche ingrate de devoir suivre Netanyahou attentivement, a peut-être raison de dire qu’il ne s’agissait pas d’un discours raté du genre “du sang, du labeur, des larmes et de la sueur”, mais d’une justification pour une prise de pouvoir.

Un autre indice pourrait être son appel à des « sommes très importantes » pour contrer les messages de la Chine et du Qatar. Ce niveau d’alarme est peut-être destiné à inciter les sacs d’argent qui ont maintenu Israël sous assistance respiratoire à s’accumuler encore plus.

Une troisième possibilité est que Netanyahou essaie d’aiguiser l’argument pour qu’Israël attaque à nouveau l’Iran et, espérons-le, obtienne le soutien des États-Unis. L’Iran est une autarcie. La nécessité de créer une Forteresse Israël justifierait que les États-Unis viennent en aide à Israël pour soumettre l’Iran afin de poursuivre le projet Israël. Ce raisonnement, d’une situation de plus en plus désespérée pour Israël, justifierait également une attaque nucléaire.

J’espère me tromper.

Yves Smith

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

songkrah.blogspot.com

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